News Regio-Interview

28.05.2024

Regio-Interview – Entretien avec les acteurs de l’économie, de la science et de la politique

Dix questions à Dr Luciana Vaccaro, Présidente de swissuniversities et rectrice de la HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale 

Madame Vaccaro, vous êtes présidente de swissuniversities, l'association des hautes écoles suisses. Que pouvons-nous entendre par cette association des hautes écoles ? Et en quoi consiste votre mission ?

swissuniversities est la Conférence des rectrices et recteurs des hautes écoles universitaires, spécialisées et pédagogiques de Suisse. Elle est constituée en association et s’engage pour les intérêts des hautes écoles suisses à l’échelle nationale et internationale. Elle porte à ce titre la voix de l’ensemble des hautes écoles suisses. Elle gère également des mandats de la Confédération et prend la direction de programmes et de projets.

La place universitaire suisse est très diversifiée - comment conciliez-vous les intérêts des hautes écoles spécialisées et des universités, qui divergent certainement parfois ?

Oui, le paysage suisse des hautes écoles est diversifié. Pour rappel, il est composé de trois types d’institutions : les hautes écoles pédagogiques (HEP), spécialisées (HES) et universitaires (HEU qui comprend les EPF). Concilier les intérêts de près d’une quarantaine d’institutions est un réel défi. Mais au-delà du défi, la diversité du système fait également la force et la qualité des activités de formation, recherche et innovation menées en Suisse. Aussi, cette diversité s'organise dans un cadre bien défini, visant à ce que les différentes institutions soient également complémentaires. 

Source et plus d’informations.  

En Suisse, nous disposons d'un système d'enseignement supérieur de haut niveau. On peut étudier en Suisse à des prix relativement bas, surtout en comparaison avec l'étranger. Qu'est-ce qui nous différencie en Suisse des autres pays ?

Les hautes écoles suisses bénéficient de bonnes conditions-cadres, ainsi que de liberté et d’indépendance dans l’enseignement et dans la recherche, encrée dans la Constitution. Pour ce qui est du coût des études, il s’agit d’un choix politique : nos hautes écoles sont financées majoritairement par de l’argent public, et donc par les impôts des citoyens et citoyennes. Les frais d’études sont en conséquent relativement bas et représentent ainsi une petite part de notre financement, de sorte à pouvoir offrir les meilleures chances pour toute la population. Ainsi, les hautes écoles peuvent offrir un enseignement de qualité aux personnes remplissant les conditions d’admission. Pour moi, ce sont les compétences, la motivation et le projet d’étude d’une personne qui doivent primer. Par contre, le coût de la vie reste élevé en Suisse et peut représenter une barrière aux études.

Comment maintenir cette position de leader ? 

Pour positionner la Suisse sur les défis du futur, les hautes écoles dépendent des conditions-cadres mentionnées ci-dessus. J’insisterais ici sur le financement adéquat et fiable des hautes écoles, ainsi que la stabilité du cadre institutionnel, en particulier avec l’Europe, afin de bénéficier pleinement de l’inclusion au sein de réseaux internationaux.

La non-association aux programmes européens Horizon Europe et Erasmus+ a été une atteinte douloureuse à la pratique de la recherche de nombreux scientifiques, alors qu'il existe également des instruments de promotion suisses. Ceux-ci sont-ils un équivalent adéquat des programmes de l'UE ?

La coopération internationale représente une composante centrale et essentielle d’un enseignement, d’une recherche et d’une innovation du plus haut niveau.

Les appels d’offres organisés par le Fonds national suisse et Innosuisse et financés par la Confédération dans le cadre des mesures transitoires permettent certes d’atténuer la situation difficile pour les scientifiques et les actrices et acteurs de l’innovation en Suisse, mais ils ne représentent pas un substitut complet à une pleine participation à Horizon Europe et à Erasmus+. Les mesures prises par la Confédération ne peuvent pas compenser l’exclusion des projets européens des actrices et acteurs de la recherche et l’innovation ainsi que la perte des réseaux internationaux. Dans la situation actuelle, les hautes écoles suisses perdent de leur attractivité, en particulier auprès de chercheuses et chercheurs que nous souhaiterions attirer en Suisse ou maintenir dans notre système d’éducation supérieure.  

En conclusion, je dirais que tout excellent qu’il soit, le bilatéralisme ne remplacera jamais le multilatéralisme.

Avec l'approche des négociations entre la Suisse et l'UE, les discussions sur l'association de la Suisse à Horizon Europe et Erasmus+ reprennent. Une association complète dépend toutefois d'un résultat positif des négociations. Comment percevez-vous la situation actuelle et qu'attendez-vous de la politique ?

swissuniversities salue le fait que le Conseil Fédéral a repris les négociations avec l'UE et plaide pour une pleine association aussi rapide que possible de la Suisse au paquet Horizon Europe et à Erasmus+. Une association pleine et rapide est importante afin de permettre notamment aux hautes écoles suisses de participer à l’entier des programmes-cadres de l’UE.

Dans le débat sur les relations de la Suisse avec l'UE, la science et la recherche ont été régulièrement citées comme arguments pour stabiliser ces relations. Comment voyez-vous votre rôle dans ce contexte politique ?

La stabilisation des relations entre la Suisse et l’UE ne se fera que dans le cadre d’une solution politique. A notre échelle, nous mettrons tout en œuvre pour soutenir tous les efforts visant à une réassociation de la Suisse à Horizon Europe et Erasmus+.

Comment envisagez-vous la fin des négociations entre la Suisse et l'UE ? Êtes-vous optimiste ?

Comme mentionné plus haut, pour nous, la pleine association reste l'objectif. Le paquet de négociations actuel comprend un accord qui devrait conduire à l'association de la Suisse aux programmes Horizon Europe et Erasmus+. Il m’est difficile de prédire le futur. A ce stade, je peux dire que j’ai confiance dans la volonté des deux parties de trouver une solution mutuellement bénéfique.

Selon vous, comment les hautes écoles doivent-elles se positionner et comment doivent-elles communiquer pour que les résultats des négociations n'échouent pas devant le peuple ?

Je pense qu’il ne faut pas sauter les étapes. Avant que l’accord passe devant le peuple, il faut que les négociations aboutissent que ce soit sur les questions de recherche et de formation ou d’autres dossiers, hors de ces champs. A ce stade, il est donc trop tôt pour se prononcer précisément. Je crois néanmoins que nos hautes écoles ont le potentiel de convaincre et de démontrer l’importance d’un accord pour la Suisse. Il en va du futur de notre capacité d’innovation, de notre économie et in fine du futur des jeunes que nous formons et qui contribuent à la prospérité de la Suisse.

Avec le groupement d'universités Eucor - The European Campus et l'alliance des établissements d'enseignement supérieur TriRhenaTech, la mise en réseau des institutions scientifiques et de recherche est forte dans la région du Rhin supérieur. Comment font les autres régions ?

Chaque haute école développe des relations privilégiées avec certains partenaires, en fonction de la langue, de la proximité régionale, culturelle, scientifique ou pour des raisons historiques. A titre d’exemple, la HES-SO est membre du réseau RELIEF (Réseau d’échanges et de liaisons entre institutions d’enseignement supérieur francophones) ainsi que de l’alliance d’universités européennes UNITA. En Suisse, neuf hautes écoles font d’ailleurs partie d’une alliance d’université européenne. 

Je pense que ce type de partenariats est essentiel pour nos institutions, car il promeut l’échange et renforce les opportunités que nous pouvons offrir à nos communautés.

Nous vous remercions pour cette interview !

Dr Luciana Vaccaro était l'oratrice invitée du « Regio Talk » de la Regio Basiliensis de cette année, le 23 janvier 2024. Vous trouverez un compte rendu de l'événement sur notre site web.

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