Carte Blanche

28 septembre 2021

« Multilinguisme au Rhin supérieur – Compétence, culture, cohésion »

Coopérer pour mieux gérer les risques dans l’espace rhénan. Oui, mais dans quelle langue ?
PD Dr. Jacqueline Breugnot, Universität Koblenz-Landau, Christine Laemmel, Consultante en communication, Strasbourg

En communication du risque ou de crise, la co-existence de plusieurs langues est rarement perçue comme une opportunité, plutôt une difficulté, un risque supplémentaire voire un danger. Il faut être bref, précis, complet et ce dans une langue étrangère ? Cela doit-il constituer un frein pour des échanges transfrontaliers du Rhin supérieur ?

Fort heureusement non et de nombreux exemples témoignent en matière militaire, de police ou de transport qu’il existe des coopérations efficaces en contexte plurilingue.

Dans l’ouvrage à paraître chez Peter Lang « Défis linguistiques et culturels pour la gestion des risques dans l’espace rhénan et ailleurs… », des chercheurs et des professionnels présentent les défis mais aussi les perspectives théoriques et pragmatiques en termes de coopération et de communication.

Leurs contributions montrent la diversité des choix effectués : lingua franca, monolinguisme, bilinguisme. Certaines situations de communication autorisent des traductions d’autres non. Les langues d’échanges peuvent être réglementées, contrôlées ou reposer sur l’informel et la souplesse. 

Ces situations multiples renforcent l’intérêt de documenter au préalable les échanges linguistiques avec précision pour analyser les besoins et les conséquences des choix de langues sur des bases factuelles.

De la variété des choix et situations actuelles, nous pouvons retenir que le bilinguisme n’est pas forcément la solution et que l’anglais n’est pas obligatoire. En revanche, le choix d’une langue ou du plurilinguisme nécessite de prendre en considération et de consulter toutes les personnes impliquées et concernées, y compris ponctuellement, et notamment dans les chaînes de transmission de l’information et de commandement.

Un positionnement clair des responsables hiérarchiques privilégiant le contenu et s’accommodant de formes perfectibles sans porter de jugement encourage généralement la qualité des échanges. Les valeurs ainsi établies abaissent le seuil d’inhibition des prises de parole.

Certains effets produits par le stress ou par la confrontation à un fait inhabituel impliquant des décisions ou des actions hors normes sont prévisibles. Ils perturbent souvent la capacité à s’exprimer dans une langue étrangère, même assez bien maîtrisée en temps normal. L’entrainement aux réactions appropriées – qui appeler, oser recourir à une langue approximative, savoir où trouver les phrases clés, solliciter l’aide d’une personne bilingue, - est alors tout aussi important que les connaissances strictement linguistiques.

L’interprétariat bien sûr est une ressource précieuse pour les prises de décisions transfrontalières. Outre son coût, qui empêche d’y recourir trop fréquemment, il peut engendrer des effets inattendus mais tangibles : la conviction d’avoir compris la même chose sans le vérifier, la perception modifiée de soi et des autres selon qu’on y recourt ou non …

Et puis la communication du risque ne concerne pas uniquement les accidents majeurs ou les épidémies, des risques quotidiens ont une dimension transfrontalière en matière de loisirs ou de transports. Peu de démarches l’intègrent alors que la communication qu’elles impliquent doit répondre à d’autres exigences que celle utilisée par des experts, par exemple en renonçant au vocabulaire spécialisé ou en ayant recours à des phraséologies adaptées aux cultures en présence.

Ces éléments, parmi d’autres, font déjà l’objet de réflexions et de transpositions pratiques et nous sommes confiantes que les ressources du plurilinguisme comme du pluriculturalisme seront l’occasion d’avancées significatives en matière de communication et de gestion transfrontalière des risques !

Avec la Carte Blanche nous offrons aux professionnels une plate-forme, où ils peuvent donner des impulsions sur la coopération transfrontalière et exposer leurs visions sur le développement dans le Dreiland. En 2021, nous publions des articles au sujet « multilinguisme au Rhin supérieur – compétence, culture, cohésion ». 


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