Regio-Interview

21 octobre 2025

Regio-Interview – Entretien avec les acteurs de l’économie, de la science et de la politique

Onze questions à Dominique Baccaunaud Vuillemin, membre du Comité de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE)

Madame Baccaunaud Vuillemin, vous habitez où ?

J’habite près d’ Agen, dans le Sud-Ouest de la France et j’y ai exercé une grande partie de ma vie professionnelle en tant que professeur de lettres.

Vous vous engagez pour l'Organisation des Suisses de l'étranger (OSE). D’où vient cet engagement ?

Un engagement est souvent le résultat d’une histoire personnelle. Arrivée enfant en France, nous avons partagés la culture du pays d’accueil et celle de notre pays d’origine, façonnant ainsi notre identité de Suisse de l’étranger. Quand je me suis installée à Agen, après quelques allers-retours en Suisse, en Grèce, j’ai découvert une communauté suisse relativement importante. Je me suis rapidement impliquée dans l’association locale, puis dans l’Union des Associations Suisses de France, et l’Organisation des Suisses de l’étranger (dès 1997).

Me mettre au service de mes compatriotes, qu’ils soient en France ou dans quelque autre état, me semblait une évidence citoyenne. Le statut du Conseil des Suisses de l’étranger, apolitique, non confessionnel, répondait à un idéal : défendre des causes communes par-delà les frontières et les idéologies. Et, participer aux missions de l’OSE, ce n’est pas seulement défendre des intérêts spécifiques des Suisses de l’étranger, mais c’est aussi, plus largement, défendre une image, une idée, celle de l’expatrié et de ses motivations qui, si elles peuvent être induites par des préoccupations économiques sont aussi le besoin de chaque individu de se réaliser qui attend, cependant que son pays d’origine le considère toujours comme l’un de ses citoyens. 

Quelle est l’importance pour la Suisse de cette communauté de plus de 800'000 Suisses de l’étranger ?

Le terme « importance » est ici à double sens.

L’attitude de la Suisse envers ses Suisses à l’étranger varie : on les aime bien, mais quand ils pensent avoir quelques droits, la communication s’avère plus difficile, et cette communauté devient alors moins importante… comme l’ont montré, par exemple, les débats sur la 13ème rente de l’AVS.

Et pourtant, tous ces expatriés, qu’ils aient quitté leur pays pour des raisons historiques, professionnelles, etc. ont contribué, et contribuent au rayonnement de la Suisse dans le monde que ce soit dans un domaine économique, scientifique, culturel, éducatif, artistique, etc. 

Les ressortissants à l’étranger, généralement fiers de leur nationalité, tiennent aussi à jouer leur rôle de citoyens suisses. Ils aimeraient pouvoir exercer leurs droits politiques correctement grâce à un développement rapide de l’e-voting (ce que défend l’OSE). Et quand leurs votes diffèrent de celui des Suisses de l’intérieur, cela devrait questionner : n’y a-t-il pas une attente de plus grande ouverture de la part de la Suisse ? 

Comment la Suisse est-elle perçue à l'étranger et quels sont les clichés qui prévalent ?

Préalablement, il faut préciser que l’image de la Suisse peut varier selon la proximité géographique.
Il y a les clichés sympathiques : le chocolat, le fromage, les montres, la magnificence des paysages, un pays propre, ordonné, prospère, etc. Les clichés qui le sont moins : paradis fiscal, vie chère, population peu accueillante, etc. Les clichés qui « rayonnent » : la Suisse, un pays démocratique, neutre, où règnent la stabilité et la sécurité, le souci de la qualité, de la rigueur. 

Comment voyez-vous le rôle de la Suisse dans le monde ?

Je ne suis pas certaine d’avoir les compétences pour y répondre. Considérons que la Suisse doit œuvrer pour conserver la confiance que ses valeurs inspirent et rester un partenaire de choix, fiable, pour les autres états. Sans doute doit-elle davantage s’ouvrir, communiquer, afin d’éviter des stéréotypes qui, dans une époque complexe, pourraient lui nuire, car réducteurs (la neutralité est certainement un de ces stéréotypes). 

Pensez-vous que le regard que portent les Suisses de l'étranger sur ce qui se passe en Suisse diffère fortement de celui des Suisses vivant en Suisse ? Si oui, dans quelle mesure ?

Divers facteurs influencent la perception de la Suisse tels que l’âge, le lieu de résidence, etc. 

Quand des retraités choisissent de s’installer à l’étranger, ils se tiennent très au courant de la vie quotidienne en Suisse : ils sont encore concernés par les assurances sociales, divers aspects administratifs, les débats politiques et leur regard ne diffère pas vraiment. Les plus âgés, qui ont émigré voilà longtemps, qui ont une certaine image de la Suisse, de ses valeurs, y sont attachés, ne se reconnaissent parfois plus dans les décisions de la Suisse actuelle. Quand il s’agit de la 3ème ou 4ème génération à l’étranger, le lien avec le pays d’origine est différent, comme la vision qu’ils en ont.

Le lieu de résidence joue donc un rôle important dans la perception de la Suisse. Dans les zones frontalières, les gens sont très au courant de l’actualité helvétique : ils côtoient les Suisses, les frontaliers, ont souvent accès aux chaines télévisées du pays. A la proximité géographique semble correspondre une proximité d’idées. Mais vivre à l’étranger, c’est aussi comparer, parfois avec nostalgie, mais surtout avec d’autres prismes : de nouvelles expériences professionnelles, d’autres modes de vie. Cet autre environnement a une incidence sur la perception des réalités helvétiques. Ces différences d’ailleurs s’illustrent dans le vote des Suisses de l’étranger.

La stabilisation et le développement des relations entre la Suisse et l'UE sont actuellement un sujet brûlant, tant dans les médias que dans le monde politique. Comment percevez-vous ce débat à l'étranger ? 

Là encore, la proximité géographique joue un rôle dans ce débat : dans les régions frontalières, les discussions sur ce sujet sont fréquentes. Plus on s’éloigne, moins le débat est important. Dans les associations suisses en France, on évite souvent d’aborder ce thème : les relations Suisse/UE sont un sujet politique, qui ouvre parfois la porte à d’autres sujets politiques locaux, et le tout conduit à des dissensions qui peuvent nuire aux rassemblements amicaux. Les gens en parlent plutôt en privé.

Quant au débat avec les natifs du pays de résidence, il est souvent inexistant. La préoccupation est très helvétique, en fait.

Considérez-vous la position de la Suisse en tant que pays non-membre de l'UE comme un avantage ou un inconvénient? 

La réponse est étroitement liée à l’image que renvoie, ou que l’on se fait de l’UE… et la Suisse aime être souveraine dans ses choix, ses décisions. 

En fait, pour répondre à cette question, je préfère citer les propos de Laurent Wehrli (vice -président de l’OSE) à ce sujet : « Ce n’est pas une question d’avantage ou de désavantage, mais de plein respect de la volonté démocratique des citoyens suisses, en regard aussi de l’Histoire de la Suisse. Au demeurant, au plan économique, des solutions adéquates et utiles – tant à la Suisse qu’à l’Union européenne et ses pays membres – ont été trouvées dans les paquets I voté en 1999 et II en 2004 et maintenant III en cours d’adoption. »

L'OSE va-t-elle prendre position sur le paquet Suisse-UE actuel ?

Oui, certainement. Il y a tout-de-même 450’000 suisses qui vivent dans l’Union Européenne concernés par la libre circulation des personnes et d’autres mesures. L’OSE a toujours été très attentive à l’évolution des relations Suisse/UE.

La Suisse à l'étranger aurait-elle besoin de sièges fixes au Conseil national et au Conseil des États, comme c'est le cas par exemple à l'Assemblée nationale française ?

L’idée de sièges fixes au Conseil national et au Conseil des Etats court depuis longtemps. Durant la législature de 2021–2025, un groupe de travail a défendu cette perspective, à long terme. Pour l’instant, les membres du Conseil ont privilégié un contact étroit avec l’Intergroupe parlementaire des Suisses de l’étranger qui, à l’écoute de leurs préoccupations, représente la diversité de la diaspora. Les élections directes au Conseil des Suisses de l’étranger qui devraient se généraliser dès 2029, en feront un Conseil plus représentatif qu’aujourd’hui, avec des attentes plus importantes à transmettre à l’Intergroupe.

Souhaitez-vous retourner en Suisse un jour ? 

Le souhaiter, pour diverses raisons, oui, mais le réaliser…

Nous vous remercions pour cette interview !

Als PDF downloaden

 

Retour